Le tribunal annule des décisions de la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes enjoignant à plusieurs producteurs de camem...

Décision de justice
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Par un jugement du 12 février 2024, le tribunal administratif de Caen annule les décisions par lesquelles les services de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ont enjoint à plusieurs sociétés produisant des camemberts de mettre l’étiquetage des fromages qu’elles commercialisent, dont certains ne bénéficient pas de l’appellation d’origine protégée (AOP) « camembert de Normandie », en conformité avec les dispositions du règlement européen n° 1151/2012 du 21 novembre 2012.

Dans le cadre de la protection européenne dont bénéficie l’AOP dénomination « camembert de Normandie », tout fromage répondant au cahier des charges du produit dénommé « camembert » peut utiliser cette dénomination, qui présente un caractère générique, sous réserve de ne pas porter atteinte à la protection attachée à la dénomination « camembert de Normandie ». En particulier, il ne saurait être fait mention, en association avec le terme générique « camembert », de l’origine « Normandie », laquelle ne constitue pas un terme générique, d’une manière telle que cette association de termes ou de référence graphique, en reprenant l’essentiel de la dénomination protégée, conduise le consommateur à avoir directement à l’esprit, à la lecture de cette mention, le fromage bénéficiant de l’AOP.

A cet égard, un avis de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, publié le 9 juillet 2020 et dont la légalité a été confirmée par le Conseil d’Etat le 22 juillet 2022, a précisé que la mise en exergue de la mention « fabriqué en Normandie » n’était pas autorisée sur un fromage ne répondant pas au cahier des charges de l’AOP au motif qu’elle était de nature à constituer une violation de la règlementation européenne, en particulier l’article 13 du règlement du 21 novembre 2012 relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires. Selon cet avis, qui a accordé aux opérateurs économiques concernés un délai expirant le 31 décembre 2020 pour mettre en conformité leurs étiquetages, le contrôle de la légalité des étiquettes doit être réalisé par les autorités compétentes au terme d’un examen approprié au cas par cas, en se fondant sur l’analyse d’un faisceau d’indices de références graphiques ou textuelles utilisées, leur agencement, et les modalités concrètes d’apposition, dans le cadre d’une évaluation globale permettant de confirmer ou d’infirmer l’existence d’une évocation répréhensible.

C’est dans ce contexte que les sociétés requérantes, spécialisées dans la fabrication de camemberts commercialisés sous diverses marques, dont certains ne bénéficient pas de l’AOP « camembert de Normandie », ont fait l’objet de contrôles sur place ayant donné lieu aux injonctions attaquées.

Le tribunal relève qu’il ne ressort pas des termes des injonctions en litige, ni des pièces versées aux dossiers, que l’administration ait procédé à un examen au cas par cas des étiquetages des différentes marques de camembert pour apprécier si les mentions faisant référence à la Normandie étaient, compte tenu de leur agencement ou leur modalités concrètes d’apposition, de nature à conduire le consommateur à avoir directement à l’esprit le fromage bénéficiant de l’AOP « camembert de Normandie ». Par ailleurs, eu égard aux termes des injonctions prononcées, qui impliquent une interdiction de produire, détenir et commercialiser tout camembert non AOP comportant une référence à la Normandie sur les étiquetages, qu’elle soit textuelle ou graphique, les décisions doivent être regardées comme prononçant une interdiction générale et absolue. Or, les services de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes n’étaient pas compétents pour édicter une telle interdiction.

En conséquence, le tribunal juge que l’administration, en prenant les injonctions en litige, a méconnu les dispositions de l’article 13 du règlement européen du 21 novembre 2012.

Jugement n° 2200196 du 12 février 2024