Le Tribunal Administratif de Caen est bien évidemment issu de la même matrice normative que les autres. De la loi du 28 pluviose an VIII au décret du 30 septembre 1953, en passant par celui de 1926, il s'agit d'une lente et inexorable évolution vers le statut de juridiction à part entière, consacré par le rattachement, en 1987, au conseil d'Etat et au ministère de la justice.
Au XXème siècle, le conseil de préfecture interdépartemental fut présidé de 1934 à 1952 par M. Raymond Coussy dont le record de longévité sera difficile à battre. Entre 1939 et 1944 le nombre de recours déposé a baissé de près de 50 %. Le jugement d'une dizaine de milliers de réclamations issues du régime des bouilleurs de crus institué par le décret du 25 juin 1935, enregistrées à partir de 1937, n'a été achevé qu'en 1952. Le nombre de requêtes enregistrées entre 1940 et 1944 ne fut que de 332 pour le contentieux général et de 562 pour le contentieux fiscal. En application d'un décret du 19 octobre 1939 un juge unique fut désigné, pour la durée des hostilités, pour statuer sur certaines affaires tandis que parallèlement à ses fonctions contentieuses, le président fût chargé du service des réquisitions qui se composait de 20 agents.
Le greffe se composait alors de 3 agents. Les magistrats étaient 3 également.
Aucune requête n'a été déposée entre le 2 juin et le 12 octobre 1944 pour le contentieux général, et entre le 25 mai et le 31 octobre pour le contentieux fiscal. Les délais de jugement peuvent alors atteindre 6 ans.
L'audience convoquée pour le 6 juin 1944 au matin tourna court, le centre de la ville ayant été complètement ravagé dès 13 h 30. La suivante n'aura lieu que le 16 octobre. Les "arrêtés" de l'époque (nos jugements actuels) reflètent la situation exceptionnelle du moment faisant explicitement référence à l'occupant désigné sous différents vocables (forces allemandes, troupes d'occupation, autorité d'occupation ou organisation Todt). Le contentieux des marchés fait, quant à lui, application des théories de l'imprévision ou des circonstances exceptionnelles en mentionnant que leur exécution a été perturbée par les évènements de 1940 ou de 1944, par l'état de guerre ou les bombardements.
L'immédiate après-guerre verra quant à elle, en 1953, la mise en place des tribunaux administratifs excellemment décrite par M. Christian Gabolde, conseiller d'Etat honoraire, qui fut le premier conseiller de préfecture recruté par la voie de l'ENA au tribunal administratif de Caen, dans un article paru à la Revue Administrative du mois de janvier 2005.
Les années 80 ont été marquées, d'une part par la création de la seconde chambre du tribunal qui a entraîné une augmentation des effectifs de magistrats et d'agents du greffe, et d'autre part, par l'accession à la présidence de M. Guy Pichard qui a oeuvré pour l'installation de la juridiction dans ses locaux actuels en 1995. Simultanément, la juridiction était portée dans le peloton de tête des tribunaux en termes de délais de jugement.
Enfin, l'entrée dans le XXIème siècle a été marqué par la nomination, pour la première fois, d'une femme à la présidence de la juridiction bas-normande, en la personne de Mme Edith Roussaux.